Nous regardons et nous « lisons » les cartes, et nous réalisons que leur pouvoir le plus puissant, c’est cette formidable capacité à nous emmener dans un monde revisité. Véritables « machines à rêves », elles sont la projection de nos imaginaires et de ce que nous comprenons du réel. Ce pouvoir évocateur se met naturellement au service de tous les acteurs politiques, sociaux et économiques, qui trouvent dans la cartographie un outil efficace pour faire comprendre et exposer notre rapport à l’espace.

Elle permet aux pouvoirs en place de renforcer leur contrôle sur les territoires et les populations qu’ils administrent (ou qu’ils aliènent). Pour les acteurs sociaux, une pratique dite « critique » de la cartographie permet de déconstruire les représentations convenues et les narratifs du pouvoir et de visualiser le monde en mettant en lumière les injustices sociales et spatiales.

En somme, la carte est avant tout une construction intellectuelle, une sorte d'acte politique, culturel et social qui nous entraîne bien au-delà de la représentation du monde.

Le jeudi 13 novembre, l’Observatoire de géopolitique accueillera Philippe Rekacewicz. Partant du postulat qu'il n’existe pas de carte innocente — elles sont au mieux une représentation tronquée de la réalité et un objet fondamentalement politique —, il discutera de cartographie en tant que fusion de disciplines, déchirée entre art, science, politique et manipulation.

Philippe Rekacewicz est chercheur associé rattaché au Département des sciences sociales de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas dans le cadre du programme « Embodied Ecologies ». Il est le co-auteur de Cartographie radicale : explorations, paru aux Éditions La Découverte en octobre 2021, et de Palestine-Israël : une histoire visuelle, publié aux éditions du Seuil en octobre 2024. Il coanime le site visionscarto.net depuis 2006.